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Murs, village de Provence aux mille facettes

FOUILLES PALEONTOLOGIQUES

07/10/2022
FOUILLES PALEONTOLOGIQUES

De nouvelles fouilles paléontologiques ont révélé des trésors sur le territoire mursois !

Le village de Murs possède une grande diversité de roches et de fossiles, notamment pour la faune et la flore datant d'environ 31 millions d’années...

Composée de scientifiques paléontologues et géologues du Musée d’Histoire naturelle de Bâle et du Jurassica Museum, en collaboration avec le Parc naturel régional du Luberon, l'équipe est intervenue entre septembre et octobre 2022 sur deux sites.

Les chercheurs se sont notamment concentrés sur le site historique de la Sablière qui présente un gisement fossilifère d'une grande richesse. Quelques fossiles prélevés sur ce site sont exposés à la médiathèque municipale "Floret".

Avant le début des travaux, 8 espèces d’animaux découvertes dans les années 1920-1930 y étaient connues. La plus célèbre étant le lointain cousin du cheval Plagiolophus huerzeleri, un petit animal à trois doigt dont l’espèce a été définie à Murs et n’est connue qu’ici. Depuis, les chercheurs ont enrichi ce chiffre pour le monter à 29 espèces.

La majeure partie des fossiles découverts est attribuable à Plagiolophus (figure 1). La quasi-totalité de son squelette est à présent connu (figure 2).

Figure 1. Différents stades de dégagement du crâne PNRL2100 de Plagiolophus huerzeleri (Copyright PNRL)

Figure 2. Reconstruction de l’apparence du «petit cheval» de Murs, Plagiolophus huerzeleri, Patrick Röschli, Jurassica Museum (Copyright PNRL)

Outre Plagiolophus, les 3 dernières années de fouilles ont été exceptionnelles avec la découverte d’un crâne complet d’un petit ruminant nommé Lophiomeryx, cousin éloigné des antilopes et des cerfs. Ce crâne est le plus complet jamais découvert pour cette espèce et ce groupe dans le monde entier. Il est un témoin proche de l’origine des ruminants, groupe aujourd’hui très répandu dans la nature. De même, la seconde plus ancienne tortue alligator d’Europe vivait à Murs (figures 3 et 4).

Figure 3. Comparaison entre le crâne partiel de tortue alligator de Murs et celui du tortue serpentine actuelle de la même famille (Copyright PNRL)

Figure 4. Dessin d’une torutue alligator. Encyclopaedia britannica (Copyright PNRL)

Les carnivores sont également bien représentés à Murs avec 4 espèces pour seulement 4 dents découvertes. C’est une situation curieuse qui veut que si peu de matériel témoigne d’une très belle diversité. Les carnivores sont très souvent sous-représentés dans les fossiles car ils sont aussi moins nombreux dans la nature. Comparez par exemple le nombre de Lynx avec celui des chamois dans les régions montagneuses : le prédateur est présent en très petit nombre et donc son potentiel de préservation sera moindre que celui de ses proies.

Pour revenir aux fouilles réalisées en 2022, l'équipe a découvert une soixantaine de beaux fossiles dont certains n’ont pas encore livré leurs secrets. Ils sont emballés dans les plâtres et seront dégagés au laboratoire en début d’année 2023. Les enfants de l’école de Murs ont pu voir en direct tout le processus, depuis la découverte du fossile dans la roche, la fabrication d’un plâtre de protection autour de lui, jusqu’à son enlèvement une fois bien sec (figure 5). Ils ont pu casser quelques cailloux et ressentir l’excitation de la recherche. On cherche beaucoup pour trouver peu, mais le moment de la découverte est très addictif !

Figure 5. Visite des enfants de l’école de Murs le vendredi 30 octobre sur le site de fouille paléontologique de la Sablière (Copyright PNRL)

Crocodiles, oiseaux, parents des hippopotames, rhinocéros et même petits rongeurs aujourd’hui totalement disparus complètent la liste des faunes trouvées dans la Sablière. La rivière de l’époque a charrié ses sables et graviers avec les carcasses et restes de tous ces animaux pour nous les livrer aujourd’hui. L’ensemble témoigne d’un environnement de plaine alluviale plutôt plate, où les rivières coulaient au milieu de forêts peu denses et de zones plus ouvertes ressemblant à une savane arborée.

Un deuxième site aux Vergiers sur les hauteurs du village a fait l’objet de fouilles, protégé par la Réserve naturelle nationale géologique du Luberon. Le ramassage et la collecte de fossiles y sont par conséquent interdits en dehors des fouilles à des fins scientifiques. Ce site est bien connu de nombreux habitants du village qui venaient y chercher des poissons fossiles quand ils étaient plus jeunes. Des panneaux marquent son emplacement sur la colline des Puits. Des roches calcaires très litées ont été étudiées, à proximité du site historique, pour en estimer le potentiel paléontologique. Ce site se situe au-dessus de celui de la Sablière, aussi bien en altitude que dans le temps : il est donc très légèrement plus jeune, peut-être de quelques centaines de milliers d’années, c’est-à-dire assez peu à l’échelle des temps géologiques.

L'an dernier, en 2021, des chercheurs entomologistes du Musée d’Histoire Naturelle de Bâle avaient révélé quelques insectes préservés à plat sur les plaques fines de calcaire. La venue de spécialistes du Museum National d’Histoire Naturelle de Paris, qui fouillent depuis longtemps dans les calcaires de Céreste au Sud d’Apt, a permis d'identifier cette année plusieurs insectes fossilisés. Outre les très nombreux poissons du genre Prolebia, plusieurs insectes et larves d’insectes ont ainsi été découverts, représentant très probablement de nouvelles espèces encore inconnues des chercheurs. 

Les roches de ce site et leur contenu en fossiles semblent différents du site très célèbre de Céreste. Ce dernier semble avoir été déposé dans les eaux du grand lac oligocène. A Murs, l’environnement était moins ouvert sur le grand lac : il s’agissait plutôt d’une zone plus marécageuse, moins oxygénée qui témoigne du comblement du lac, et en effet, un système de rivière s’est installé juste au-dessus de ce gisement comme en témoigne des sables indurés connus sous le nom de grès verts de Murs. Ils constituent la partie sommitale de la colline. Les recherches sur ce gisement n’en sont qu’à leur début, dans l’espoir d’y découvrir des fossiles plus complets et riches en enseignements sur la faune, la flore et l’environnement qui succèdent à ceux mis en évidence par la Sablière.

Il est très rare de pouvoir avoir une succession si riche en fossiles et qui n’ont que très peu d’écart de temps entre eux. Cette situation combinée à l’âge des gisements de Murs, proche de la grande crise biologique dite de la « Grande Coupure » d’il y a 34 millions d’années, permet de comprendre comment les communautés animales ont répondu aux changements climatiques, aux modifications environnementales provoqués par la crise. Toute proportion gardée, nos travaux trouvent un écho dans la situation climatique actuelle même si les tenants et aboutissants sont très différents.

Les espèces animales et végétales sont très résilientes, les communautés s’adaptent, se reconstruisent après des crises écologiques, les extinctions de la Grande Coupure sont compensées par des dispersions d’espèces venant d’Asie, par de nouvelles spéciations ou création d’espèces dans le nouvel environnement. La crise actuelle est bien différente, elle est très rapide et modifie les habitats naturels et les communautés animales et végétales en profondeur. Elle pose un challenge nouveau à la nature. Ces recherches mettent en perspective les crises naturelles du passé et leur impact de celle, actuelle, dont les causes sont liées aux activités humaines.

L’équipe de fouille (Loïc Costeur, Pauline Coster, Stéphane Legal, Olivier Maridet, Bastien Mennecart)

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